Géopolitique de l'Afrique
Conférence du 3 avril 2007, avec Charles Zorgbibe, juriste et historien des relations internationales, Université Paris I Panthéon-Sorbonne
Au XIX siècle, le philosophe allemand Hegel qualifiait le continent africain de "continent sans histoire, sans religion". Marx quant à lui, décrivait les Africains comme "figés dans une immobilité millénaire" et vantait les "bénéfices de la colonisation". Le géographe allemand Carl Ritter décrit les continents comme des "organes vivants qui conditionnent la vie des peuples" et dépeint l'Afrique comme "un corps sans membre" et comme "le vrai sud de la terre."
Epreuves de l'Afrique dans l'Histoire
L'identité africaine. L'identité comme le résultat vivant de ce que l'interminable passé a déposé.
Trois épreuves ont jalonné l'histoire africaine: la lutte contre une nature hostile; la traite négrière et l'invasion coloniale.
1) Lutte contre une nature hostile.
L'Afrique est un très vieux continent, à la différence de l'Amérique décrit dans Tristes Tropiques par Claude Levi-Strauss. Ce continent est composé par un plateau rocheux riche en minéraux mais aux terres peu fertiles (savane, désert puis zones de pluies hivernales). Région du monde hostile à l'homme en général: difficultés de peuplement, population éparses d'où difficultés de formations étatiques.
L'Afrique du nord comme ayant échappé aux difficultés environementales. Zone qualifiée "d'île" entre la méditerranée et le Sahara. Relation séculaire entre Sénégal et Maroc ; développement de l'Islam du nord vers le sud.
2) Traite des Noirs
Interruption de l'accroissement démographique par la traite négrière qui a toujours un impact sur l'Afrique actuelle. Esclavagisme avant 1492 et la découverte de l'Amérique: estimation de 8 millions d'Africains réduits en esclavage. L'Afrique est saignée par le trafic d'êtres humains essentiellement vers l'Amérique du sud et les Caraïbes (Commerce triangulaire) 5% de ce trafic est dirigé vers l'Amérique du nord.
Complicité d'Africains à ce "commerce": le Royaume du Kongo collabore avec les Portugais; d'autres tribus s'opposent à toute collaboration (tribu des Krus au Kenya). Intensification du trafic: envoie des condamnés de droit civil vers l'Amérique.
Conséquence, en 1600 les Africains représentent 30% de la population mondiales, en 1900, seulement 10%. L'Angola est la première victime de la traite, au niveau démographique. Ce "commerce" permet le développement de pouvoirs économiques et politiques locaux.
Stigmates de la traîte toujours sensibles: République Centrafrique, dépeuplement de la partie orientale ; en Angola, guerre entre anciens esclaves et anciens esclavagistes.
Au Nigeria, suppression de l'esclavagisme seulement en 1936.
3) La Colonisation
Invasion coloniale a aggravé les effets de la traîte. Nombreux morts lors de grands travaux (construction de lignes de chemins de fer).
Portugais et Français - tous deux au passé romain - étendent la citoyenneté vers l'Outre-Mer et élection de députés ; pour la Grande-Bretagne, utilisation du modèle de l'administration indirecte et appui sur les émirs locaux.
Meurtres des membres de l'ethnie des Erereros par l'Allemagne (de 80 000 membres à 15 000).
Fin XIX submersion des Africains par colonialisme. Seuls le Darfour, le nord de la Namibie, la région du Rif au Maroc et le Sahara Occidental sont restés à l'abri des occidentaux.
Les raisons économiques n'expliquent pas totalement l'invasion européenne en Afrique. Prestige, nationalisme, supériorité européenne, rivalités entre puissances européennes comme premières motivations.
La Conférence de Berlin organisée sous Bismarck (14 novembre 1884 - 26 février 1885) établie le partage de l'Afrique entre les puissances européennes.
Les révolutions de l'Afrique d'aujourd'hui
1) Révolution démographique
Dès les années 1970, forte augmentation de la population africaine. XIX, augmentation démographique en Egypte grâce aux services de santé puis en Algérie française grâce à la vaccination.
Explosion démographique: multiplication par 2 entre 1970 et 1995, on passe de 362 à 728 millions d'habitants. Estimations de l'ONU pour 2007 de 965 millions d'habitants et en 2050, 2 milliards d'hommes; croissance de 2,8% par an; 10,4% de la population mondiale et 20% de l'accroissement mondiale aujourd'hui. Fort taux de mortalité de 15,8% et seulement 3% de la population africaine a plus de 65 ans.
Maintien d'une politique nataliste comme pretigieuse et considérée comme "assurance vieillesse".
2) Révolution politique
Accès à l'indépendance lors de la seconde moitié du XXe siècle. L'impulsion vient du nord du continent. En 1951, la Libye administrée par l'Italie devient indépendante. La même année, indépendance de la Gold Coast (actuel Ghana).
1956, loi cadre Defferre (ministre des colonies): premier pas vers l'indépendance des colonies françaises. Dernière indépendance le 17 mars 1992, avec la sortie de l'apartheid en Afrique du sud.
Contexte de la bipolarisation durant la Guerre Froide qui a accéléré la décolonisation.
Tensions actuelles et futures
adoption de l'Etat type occidental y compris l'adoption de la territorialité par les Africains. Absence de notion de frontière avant la colonisation.
adhésion au découpage interétatique qualifié de "superficiel" (issu de la Conférence de Berlin au XIX) mais maintien de ces frontières par l'Union des Etats africains. Problèmes concentrés particulièrement en Afrique occidentale.
discordance entre ethnies: Kenya, distribution de terres selon l'ethnie au pouvoir; Darfour, tension entre Islam et Animisme; Nigeria et Guerre du Biafra (désormais Etat fédéraliste).
Afrique et le reste du monde
Implication forte de l'ONU en Afrique
Grande Bretagne, France et Portugal toujours autant impliqués en Afrique.
Crédit photo : Johnny Huh sur Flickr